THERAPIES IFS – IR

Le modèle thérapeutique IR, « Intelligence Relationnelle », fondé en 2017 par le Dr François Le Doze est inspiré du « Système familial intérieur » (IFS,)  fondé par Richard C Schwartz dans les années 80, et de données récentes en neurosciences.

L’IFS ou Système familial intérieur

Richard C Schwartz a fondé l’IFS suite au constat d’échecs thérapeutiques avec des familles où l’un des membres souffrait de troubles alimentaires (boulimie). Il a alors choisi de faire table rase de son propre « savoir » pour interroger le savoir, l’expertise propre, de ses patients. Ce sont les patients eux-mêmes qui ont employé le mot de « partie » : lors d’une crise, telle partie impulsive surgissait, mais accompagnée de telles autres conflictuelles (partie déprimée, partie culpabilisante partie disqualifiant…).  L’IFS est donc le résultat d’une véritable co-construction thérapeute-patient. En 2015, le modèle psychothérapeutique IFS a intégré le Registre national des programmes et pratiques basés sur les preuves (NREPP) aux Etats-Unis.

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Dans l’approche IFS, le système psychique est donc appréhendé comme un ensemble de « parties » ou sous-personnalités reliées au « Self », identité profonde de la personne. Chacune des parties a ses propres compétences (ex : partie « mathématicien(ne) », partie « cuisinièr(e) », partie « jardinier(e) », partie « parent », partie « étudiant(e) » etc…) et ses émotions (triste, jalouse, en colère, joyeuse, apeurée…). Le « Self » est différent des parties. Pour Schwartz, quels que soient les symptômes présentés par le système intérieur de la personne, le Self reste toujours « intact » (Schwartz 2009, p.46). Les symptômes concernent les parties, non le Self. Pouvant être considéré à la fois comme « une entité et un état de conscience » (Schwartz 2009, p.47), le Self est un leader à la disposition du système. Il est compassionnel et ses ressources sont inépuisables. Mais les parties ne peuvent en bénéficier que si elles se relient à lui et ne le submergent pas. Tel un guide, un capitaine de bateau ou un chef d’orchestre, « le Self du patient a le pouvoir de rétablir l’harmonie dans le système intérieur, le thérapeute collaborant à ce processus avec le patient. »  (Schwartz, 2009, p.50)

Dans ce travail de co-recherche avec ses patients, Richard Schwartz a ainsi dégagé huit qualités au Self : le calme, la curiosité, le courage, la compassion, la créativité, la confiance, la connexion, la clarté.

Lorsque le système interne de la personne fonctionne en harmonie, c’est-à dire lorsque les parties sont en lien serein entre elles-mêmes et avec le Self, tel un ensemble orchestral ajusté, les expériences négatives des parties se trouvent alors régulées par les qualités du Self. Le déséquilibre du système se trouve momentané. Mais si ces expériences négatives, voire traumatiques, sont survenues à un moment de la vie psychique où le self de la personne n’a pas encore atteint sa maturité et où les proches adultes n’ont pu ou su offrir l’étayage nécessaire, ou encore si des événements de vie ont rompu le lien ressource parties-Self, certaines parties se sont chargées alors d’un rôle palliatif protecteur. Ces parties protectrices, désignées en IFS, « pompiers » ou « managers », endossent des rôles extrêmes pour maintenir une adaptabilité au contexte de vie, et garder à l’écart la reviviscence de souffrances émotionnelles (« fardeaux » en IFS) portées par certaines parties ainsi bloquées dans le passé et dénommées « exilées ».

Les parties « pompiers » visent à supprimer le surgissement d’une souffrance ou d’un inconfort notable, quels que puissent être les effets collatéraux de leurs actions. Ces « pompiers » distraient, anesthésient ou dissocient (ex de recours abusifs : l’alcool, la nourriture, les jeux, la télévision/réseaux sociaux, la colère, la rage, la violence, la maltraitance, le refuge dans le travail, la rêverie, la confusion, le suicide, les scarifications…). Les parties « managers » quant à elles exercent un contrôle interne afin d’éviter toute situation à risque d’activation des « exilés » et un contrôle externe des liens relationnels.  (Exemples : partie sauveuse, juge, ambitieuse, passive, perfectionniste, hyper organisatrice, partie qui ne sait pas dire non (y compris à ce qui pourrait être préjudiciable à la personne,…), en refus systématique (y compris à ce qui pourrait s’avérer bénéfique à la personne), qui isole la personne),…

Coupées du Self, le submergeant, ces parties protectrices au rôle extrême ignorent l’existence du Self. La personne peut alors même croire qu’elle n’a pas de Self, que son être même se réduit à sa ou ses parties problématiques. Il est donc très différent de dire : « je suis un homme colérique » et « une partie de moi est souvent en colère ». Ou encore « je suis un alcoolique » et « une partie de moi est liée à l’alcool ».

Quelles que soient la nature et les conséquences des actions engagées par les protecteurs « pompiers » et « managers », l’intention de ces parties est toujours positive à l’égard de la personne elle-même. Il s’agit pour elles d’assurer, à leur manière, la sécurité de la personne.

La tâche essentielle du thérapeute IFS est de faciliter, dans l’instant présent, un cheminement interne d’autorégulation, permettant aux parties en souffrance (exilés) de se (re)mettre en présence du Self du patient et d’expérimenter sensiblement les qualités thérapeutiques de celui-ci. En IFS, le thérapeute premier est donc bien le Self du patient, le thérapeute secondaire étant le professionnel. Notons que ce dernier aura soin de ne jamais hâter la modification du système interne du patient. Le rythme d’avancée est donné par les parties en travail.

La réparation de l’exilé par le Self du patient et sa réintégration dans le système libèrent les parties protectrices (« pompiers » et « managers ») de leurs rôles forcés devenus alors inutiles. Le système interne du patient récupère ainsi une fluidité de fonctionnement, se traduisant par un mieux-être avec soi-même et les autres, et notamment par une plus grande clarté de décision.

L’IR ou Intelligence relationnelle

En conclusion de son ouvrage « Système familial intérieur : blessures et guérison » (1995 pour l’édition originale, 2009 pour l’édition française), Richard Schwartz appelait déjà de ses vœux une poursuite d’évolution du modèle thérapeutique IFS.  Héritier de l’IFS, le modèle thérapeutique Intelligence relationnelle (IR) doit sa création à la prise en compte :

– des troubles de l’attachement de l’enfance où le système nerveux autonome de l’enfant se trouve précocement dérégulé en raison d’un « accordage affectif  » (Stern, 1985) déficient.

Comme le souligne Peter A. Lévine (2014, p.106) : « Le comportement d’attachement est pratiquement la seule défense accessible aux jeunes enfants qui ne peuvent en général se protéger ni en combattant, ni en fuyant« . L’ajustement parent (prenant soin)-bébé permet ainsi la construction d’une « base sécurisante » (Ainsworth) en nourrissant les besoins fondamentaux de l’enfant : se sentir en sécurité, se sentir vu, se sentir aimé, se sentir précieux, être en relation, avoir sa place dans le monde, être accompagné dans les apprentissages,… Non traités, les attachements dits insécures (anxieux, évitant, désordonné) perdurent dans la vie adulte, risquant d’impacter néfastement le choix amoureux et la santé physique.

– et de la neuroception décrite par la théorie polyvagale du Dr Stephen Porges, chercheur en psychologie, neurosciences et biologie évolutive.

La neuroception constitue un système de veille permanente en dehors du champ de conscience même de l’individu, dans le but d’assurer la survie des espèces. Les situations, les contextes sont ainsi constamment analysés en terme de sécurité, menace, danger de mort par le système nerveux autonome (SNA) de la personne.

Sur le plan phylogénétique (évolution des espèces), les compétences neuroceptives se sont successivement complexifiées :

  • d’abord l’apparition du système parasympathique vagal dorsal (500 millions d’années) détectant le danger de mort, ce qui correspond à une expérience d’impuissance, de figement, de mort, de rupture relationnelle (perception d’une solitude extrême et d’une énergie basse),
  • ensuite le système sympathique (300 millions d’années) détectant un danger, ce qui se traduit par un mouvement d’attaque ou de fuite (perception d’une énergie haute, d’un état de vigilance, de méfiance vis-à-vis des autres).
  • enfin le système parasympathique vagal ventral, seulement présent chez les mammifères (environ 80 millions d’années) qui établit la sécurité à l’intérieur de soi et par rapport au monde environnant. (Ceci se traduit par une envie de découvrir, d’explorer, d’aller vers les autres, de communiquer, d’apprendre,…).

Lorsque l’état vagal ventral prime à un instant t chez une personne, le système sympathique et parasympathique dorsal restent sous sa gouvernance : les actions ou l’immobilité sont alors vécues dans la tranquillité d’une sécurité intérieure (digérer, faire l’amour, dormir, bouger, jouer,….). Mais si l’état ventral est submergé, le système sympathique prend la relève afin que la personne puisse fuir très rapidement ou attaquer. Si à son tour, ce système sympathique se trouve mis à mal, la relève est prise par le système parasympathique dorsal : l’être vivant se retrouve dans un état de figement (cas d’un accident, d’abus sexuels, de maltraitance physique ou psychique… Ceci peut aussi s’observer chez un animal capturé par son prédateur : cf.souris/chat, oiseau/chien de chasse qui font l’objet de nombreuses vidéos youtube montrant l’intérêt phylogénétique du figement : le prédateur croyant à la mort de sa proie figée, la relâche, celle-ci pouvant alors s’échapper).

Précisons également que l’état de dérégulation du système nerveux autonome (SNA) destiné à la survie de l’individu, est prévu par le corps pour être transitoire. Un état physiologique bouclant quotidiennement dans un état majoritairement sympathique, dorsal ou sympathico-dorsal peut ainsi favoriser la survenue de troubles somatiques (gastro-intestinaux, cardio-vasculaires, musculo-tendineux, fatigue chronique, maladies auto-immunes,…).

Le modèle thérapeutique de l’Intelligence relationnelle s’intéresse donc au soubassement neurophysiologique dans lequel sont « ancrées » momentanément ou durablement les parties d’un système interne.

On pourrait ainsi se représenter le self dans le champ expérientiel du système parasympathique vagal ventral,  les parties protectrices (« pompiers » et « managers ») dans le champ du système sympathique et du parasympathique vagal dorsal alors dérégulés (c’est-à-dire non plus régulés par le système vagal ventral). Quant aux  parties « exilées », on pourrait les « situer » dans le champ du système parasympathique vagal dorsal.

Le postulat de départ en Intelligence Relationnelle est que le travail thérapeutique avec les parties du système interne du patient se trouve potentialisé si le thérapeute traite d’abord l’état dérégulé du système nerveux autonome (traitement dit de « bas en haut »: du corps vers le cerveau).

Le thérapeute s’enquiert du vécu corporel du patient à l’instant présent (le patient ressent un besoin d’action, avec la perception d’une énergie haute ou un figement avec une énergie basse ou encore un état calme, d’ouverture, d’engagement social). Un état dérégulé « sympathique » ou « dorsal » seront traités en co-recherche avec le patient lui-même. Cette « clinique du tâtonnement » patient-thérapeute sur le moyen de réguler le système nerveux autonome du patient (par une modification de sa respiration, un changement de position dans l’espace, un geste, les hypothèses explicites du thérapeute sur ce qui serait implicitement actif dans l’instant présent de la séance (métacognition),…) participe aussi du soin porté aux troubles d’attachement du patient. Notons qu’un attachement sécure, à défaut d’avoir pu être vécu dans l’enfance, peut être acquis, grâce à la plasticité neuronale.

La régulation d’un état dérégulé dans une expérience consciente de récupération de sécurité interne et dans un lien patient-thérapeute évalué comme sécure permet alors de traiter plus directement la souffrance des parties exilées et/ou les blessures d’attachement des parties protectrices

Au cours d’une même consultation, le thérapeute peut donc travailler alternativement avec différents états (la survenue de trop de parties ou le submergement du patient par une partie indiquant alors la primauté d’une dérégulation « sympathique » ou « dorsale ») et des parties (exilé ou protecteur).

Dans son ouvrage « Guérir par-delà les mots. Comment le corps dissipe le traumatisme et restaure le bien-être », Peter A. Lévine, docteur en sciences médicales et biologiques, et  docteur en psychologie (2010/2014, pp.335-336) écrit : »Parfois on a négligé les émotions pour favoriser les cognitions. En d’autres occasions, les cognitions ont été laissées de côté et les émotions quasiment vénérées. Une attention harmonieuse entre les sensations, les sentiments, les cognitions et l’élan vital (l’énergie de vie) reste à construire dans une thérapie à venir permettant la transformation de la personne dans son entièreté. » L’Intelligence Relationnelle pourrait entrer dans cette catégorie de thérapies souhaitées par Peter A. Lévine.

QUELQUES LIENS VIDEOS :

Rencontre : Dr François Le Doze – Psychothérapeute, Créateur du modèle Intelligence Relationnelle (2019)

Exemple d’application IFS (témoignage) de François Le Doze (2012)

LIVRES -ARTICLES relatifs à l’IFS (Système familial intérieur)

CONTAMIN E. (2018). Prenons soin de nous. Guide pratique d’auto-thérapie, Paris, BoD, pp.101-108.

FISHER J. (2017/2019). Dépasser la dissociation d’origine traumatique. Soi fragmenté et aliénation interne, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur.

LE DOZE F. (2015). La force de la confiance. Une thérapie pour s’unifier, Paris, Odile Jacob.

LE DOZE F. (2015). « Le modèle Internal Family System « IFS » », Recto-Verseau, n°263, pp.6-8.

LE DOZE F. (2016). « Les personnalités dissociatives : particularités de l’Internal Family Systems », dans J. Smith (sous la direction de), Psychothérapie de la dissociation et du trauma, Malakoff, Dunod, pp.143-155.

LE DOZE F. (2016). « L’Internal Family Systems restaure notre unité intérieure », Psychologies Magazine, pp.180-184.

SCHWARTZ C R. (1995/2009). Système familial intérieur : blessures et guérison. Un nouveau modèle de Psychothérapie, Issy-les-Moulineaux, Elsevier. (Coordination scientifique de l’édition française par François Le Doze).

VAN DER KOLK B. (2018). « Rassembler les pièces du puzzle : le leadership du self », dans B. Van der Kolk, Le corps n’oublie rien, Paris, Albin Michel, pp.373-414.

Quelques pistes de lecture sur les impacts neurophysiologiques et psychiques d’un état dérégulé, de l’importance de le prévenir ou d’en prendre soin :

GUEGUEN C. (2014). Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Paris, Robert Laffont.

GUEGUEN C. (2015). Vivre heureux avec son enfant. Un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives, Paris, Robert Laffont.

HELLER L., LAPIERRE A. (2012/2015). Guérir les traumatismes du développement. Restaurer l’image de soi et la relation à l’autre, Paris, InterEditions,

LEVINE P.A. (1997/2013). Réveiller le tigre. Guérir le traumatisme, Paris, InterEditions.

LEVINE P.A. (2010/2014). Guérir par-delà les mots. Comment le corps dissipe le traumatisme et restaure le bien-être, Paris, InterEditions.

MAUREL O. (2005). La fessée. Questions sur la violence éducative, Sète, La Plage, Nouvelle édition revue et augmentée.

O’HARE D. (2012). Cohérence cardiaque 365. 3 fois par jour. 6 fois par minute. 5 minutes, Vergèze, Thierry Souccar.

SALMONA M. (2018). Le livre noir des violences sexuelles, Paris, Dunod, 2ème édition.

SMITH J. (éd.) (2016). Psychothérapie de la dissociation et du trauma, Paris, Dunod.

VAN DER KOLK B. (2014/2018). Le corps n’oublie rien. Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme, Paris, Albin Michel.

De l’attachement dans la famille, le couple :

DELAGE M. 2013. La vie des émotions et l’attachement dans la famille, Paris, Odile Jacob.

MILJKOVITCH R. 2011. L’amour malin. Pour mieux aimer et être aimé, Savigny sur Orge, Philippe Duval.